Bientôt, ils y seront. La dernière nuit à terre, la dernière douche, le dernier trajet jusqu’au port. Et puis les interviews, les embrassades, les « au revoir » au ponton, l’acclamation de la foule, le décompte, le « top départ » et les premières heures seul à bord. Pendant une poignée d’heures, les skippers vont vivre un incroyable tourbillon d’émotions, l’impression que tout s’accélère, que tout se mélange. Des sensations comme jamais un marin à l’occasion d’en vivre. « C’est une journée difficile à gérer avec une grande charge émotionnelle, abonde Kito de Pavant. Pendant trois semaines, malgré la foule, les marins sont dans un cocon grâce à leurs familles et à leurs équipes. Là, ils prennent en pleine gueule le fait qu’ils vont partir pendant trois mois ! »
Comment doivent-ils aborder leur D-Day ?
Ce dimanche, les 40 skippers vont vivre des émotions particulièrement fortes jusqu’à leur première nuit en mer. Alain Gautier, vainqueur de l’édition 1992, et Kito de Pavant, trois participations au compteur, racontent une journée qui n’aura rien d’ordinaire.
Et pour cette explosion d’émotions, il n’y a pas vraiment de « bons conseils » dixit Kito de Pavant. Sur le chenal, il y a plus de monde qu’au stade de France. Personne n’est habitué à ça ! » Pour Alain Gautier, il est important de « ne pas chercher à résister ». « Les émotions, c’est bien aussi. Il ne faut pas être totalement fermé à ça, ce serait dommage de rater ce moment-là. C’est très difficile de faire partie de cette course, elle est longue donc c’est bien d’en profiter ! »
Pour le vainqueur du Vendée Globe 1992, il est nécessaire « de tout accepter » et en même temps de « garder de l’énergie sous le pied ». Parce qu’il y a une course à faire après et qu’elle nécessite aussi une sacrée forme physique. « D’une certaine manière, on fait l’inverse de ce qu’il faut faire, sourit Kito. Les marins devraient se préserver au maximum pour être d’attaque d’entrée. Mais au Vendée Globe, ce n’est pas possible ! »
Reste que très vite, dès que les derniers membres de l’équipe auront quitté le bord, place à la navigation et à la course. « Ça fait quasiment trois semaines qu’ils n’ont pas navigué, il faut que les réflexes reviennent » explique Kito. Alain Gautier rappelle les essentiels : « idéalement, il faut être du bon côté de la ligne, avec la bonne voile pour être bien placé dès le départ ». Alain fait partie de l’équipe d’Isabelle Joschke (MACSF). Et il poursuit : « même s’il ne faut pas prendre de risque, j’ai tendance à dire que c’est important de bien partir afin d’être le moins possible dans le sillage des autres bateaux ».
« Les premières 24 à 48 heures sont difficiles entre l’excitation, la concentration nécessaire et surtout toute la fatigue accumulée », atteste Kito de Pavant. Progressivement, tout est à réécrire : s’amariner, réussir ses premières options météo, s’apprêter à passer sa première nuit à bord. Mais peut-être que la gestion de cette journée de toutes les émotions se joue avant. Car pour qu’elle se déroule du mieux possible, beaucoup repose sur la façon dont les marins se sont préservés ces derniers jours. Kito le dit à sa façon : « ils sont nombreux à continuer à faire du sport cette semaine, à se mettre dans leurs bulles et à essayer de ne pas être cramés par les sollicitations de dernière minute ». D’une certaine façon, le Vendée Globe a déjà commencé.