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Comme des castors sous stéroïdes

Changements de voiles, prises de ris, virements de bord… quel que soit l’endroit où ils se trouvent dans l’Indien ou même encore dans l’Atlantique Sud, les solitaires du Vendée Globe enchaînent les manœuvres comme des funambules, avec une énergie inépuisable. La chorégraphie millimétrée est orchestrée sous la pression des éléments. Les uns et les autres jonglent entre stratégie et prudence, conscients que le moindre mouvement raté peut coûter cher. Conscients aussi que travailler comme un castor sous stéroïdes peut rapporter gros, permettre de revenir au score ou, à tout le moins, rester dans le match. Pour ne citer qu’un seul exemple, Sébastien Simon (Groupe Dubreuil) a enchaîné jusqu’à sept empannages rien que la nuit dernière en bordure de la Zone d’Exclusion Antarctique, le tout dans plus de 30 nœuds vent et sept mètres de creux. Et vous aviez encore des doutes pour savoir si ces marins étaient des surfemmes et des surhommes ?

COURSE, 07 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Groupe Dubreuil lors de la course à la voile du Vendée Globe le 07 décembre 2024. (Photo du skipper Sébastien Simon)
COURSE, 07 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Groupe Dubreuil lors de la course à la voile du Vendée Globe le 07 décembre 2024. (Photo du skipper Sébastien Simon)

« La vie n’est pas facile ici ! On essuie quasiment une dépression par jour. Les systèmes s’enchaînent hyper rapidement. Cela implique des changements de voiles hyper fréquents. C’est du sport ! », a commenté Éric Bellion, qui tente de se frayer le meilleur chemin possible au sud de l’Afrique du Sud. « La mer est courte. Ça bouge dans tous les sens. Le bateau n’arrive pas à accélérer. Je fais des zigs et des zags dans les méandres du courant des Aiguilles. J’essaie de préserver mon bateau mais je ne peux donc pas faire de vitesse. C’est très frustrant », a ajouté le solitaire avec cette drôle d’impression de jouer à Tetris mais de n’avoir que des briques en Z. Pas facile, en effet, de trouver le compromis parfait. D’un côté, la prudence impose des mesures préventives pour éviter la casse. De l'autre, la performance exige rapidité, fluidité, et réactivité au prix de certaines contraintes. Le défi est de placer le curseur au meilleur endroit : là où la sécurité ne freine pas l’efficacité, et où la performance n’expose pas aux risques. C’est un équilibre subtil, tout aussi scabreux que d’essayer de garder un soufflé chaud sans qu’il retombe.

Une histoire de curseur

Pour ce qui le concerne, le skipper de Stand as One – Altavia semble néanmoins avoir tranché. « Aller au Sud, c’est raccourcir la route mais composer avec davantage de mer et de vent. Partir au Nord, c’est profiter de conditions un peu plus calmes mais aussi bénéficier d’une sortie de secours. Le calcul est, selon moi, assez vite fait », a souligné le marin. Même stratégie du côté d’Isabelle Joschke (MACSF). « J’ai fait le choix prudent d’aller me caler dans le nord de la dépression pour rester bien derrière et ne pas rentrer dedans. Je n’ai pas l’impression de faire de la stratégie pour aller vite ou gratter les autres mais plutôt pour trouver un passage qui ne soit pas dangereux », a relaté la navigatrice franco-allemande qui devrait toutefois prochainement profiter d’un bon angle pour cavaler plein Est. Plus, en tous les cas, que ses concurrents directs situés plus au Sud. « En attendant, je prends mon mal en patience », a ajouté la navigatrice qui espère avoir l’occasion de recoller au petit paquet situé juste devant elle.


L'addition est salée

Nicolas Lunven
HOLCIM - PRB

Même topo, plus en avant de la flotte, du côté de Nicolas Lunven, le skipper de Holcim – PRB qui avait, lui aussi, misé sur une trajectoire nord pour éviter le plus gros de la dépression maousse costaud qui a balayé sa route en milieu de semaine, mais qui n’imaginait pas, cependant, que l’addition serait aussi salée pour lui et son compère, Jérémie Beyou (Charal). « Cette route nord était censée être meilleure que ça. On n’a vraiment pas été très bien servis », a regretté le Vannetais, agacé par la situation autant que par un moustique en pleine nuit. « On a eu des zones de molles pas prévues et fait une nuit complète dans les orages mais le clou du spectacle a été l’anticyclone qui a gonflé et qui nous a mangé », a détaillé Nicolas qui a passé une grande partie de la journée d’hier englué dans les petits airs avec deux conséquences à la clé. D’une part, le retour dans son rétroviseur de la triplette Sam Goodchild (VULNERABLE) – Paul Meilhat (Biotherm) – Yannick Bestaven (Maître CoQ V). D’autre part, un écart qui s’est creusé comme un canyon après une inondation sur ses copains de devant.

Schuss versus slalom

« Je pensais au moins que j’allais me retrouver avec la même distance que j’avais au départ sur Yoann (Richomme) et Thomas (Ruyant), c’est-à-dire entre 100 et 150 milles or, pour finir, c’est plutôt le triple », a spécifié Nicolas qui a retrouvé du vent depuis la nuit dernière et devrait maintenant faire route un peu tout droit pour rejoindre le cap Leeuwin. Un programme à l’opposé des deux leaders, Charlie Dalin et Sébastien Simon. Ces deux-là vont en effet continuer d’enchaîner les empannages le long de la ZEA. Pour l’heure, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils n’y vont pas à l’économie. Le skipper de Groupe Dubreuil, notamment, multiplie les manœuvres comme des crêpes un jour de fête, dans plus de 30 nœuds de vent sur une mer en pleine crise d’adolescence. Malgré un sommeil en miettes, sa détermination est inébranlable. Il envoie du bois à replanter toute une forêt pour ne pas laisser son rival trop filer, mais aussi pour être sûr de ne pas revoir de sitôt les autres, même s’il sait bien que l’élastique pourrait se resserrer un peu au sud de l’Australie.


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