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Ça TAAF dur !

Alors qu’ils sont désormais trente à évoluer dans l’impitoyable Océan Indien, la tête de flotte s’est répartie les Terres Australes et Antarctiques Françaises, éparpillées façon puzzle tout autour du monstre de vent et de houle qui s’est formé en leur sein.

COURSE, 06 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Freelance.com lors de la course à la voile du Vendée Globe le 06 décembre 2024. (Photo du skipper Guirec Soudée)
COURSE, 06 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Freelance.com lors de la course à la voile du Vendée Globe le 06 décembre 2024. (Photo du skipper Guirec Soudée)

Cette nuit encore - la vingt-sixième de ce Vendée Globe pour les apothicaires pointilleux sur les comptes - les marins n’ont pas ménagé leurs efforts. Et les messages envoyés à la terre, en sont, de fait, inversement proportionnels. Alors commence le grand jeu des devinettes, celui que connaît par cœur l’arpenteur zélé de cartographie. On se surprend à scruter leurs vitesses en y cherchant des indices de ce qu’ils peuvent bien vivre dans l’instant, à faire défiler les réglages météo et les heures à venir quitte à frôler la crise d’épilepsie, à interpréter les mouvements de trajectoire comme un haruspice dans les entrailles d’un poulet…

Verdict ? Une chose est sûre, c’est que devant, ils sont dans le dur. Enfin non, Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance), qui continue à filer à près de 23 nœuds de moyenne, continue de donner cette impression de facilité. Non seulement le bonhomme est en train de gagner son bras de fer avec une tempête australe, mais il semble en même temps adresser un petit « coucou » espiègle à ses camarades-concurrents. Parce qu’en plus de réussir à se maintenir à l’avant de la dépression et d’en bénéficier de ses vents puissants sans subir sa mer déchaînée, le second du dernier Vendée Globe creuse l’écart. Et spectaculairement ! 

« Je ne tiens pas les routages » 

Son poursuivant, Sébastien Simon, n’a pas réussi à tenir la cadence du Havrais. Déjà décroché de 80 milles hier, le skipper de Groupe Dubreuil accuse ce matin plus du double de retard sur le leader. Surtout, le marin est désormais passé de l’autre côté du système dépressionnaire, en arrière de son centre, et ne bénéficie donc plus des mêmes conditions que son prédécesseur : 
 


Ça caille vraiment depuis le passage du front ce matin, j’ai mis un peu de chauffage. J’essaie d’être précautionneux du bateau ce qui m’a quand même poussé à ralentir un peu. Je me suis fait un peu bouffer par l’œil de la dépression qui m’a bloqué pendant presque deux heures, c’était très étonnant, j’avais jamais eu cette expérience-là ! Le vent a commencé à revenir avec l’arrière de la dépression, je commence à avoir une mer assez forte, assez croisée, et surtout un vent très froid, très dense et très rafaleux. Là j’ai que 24-25 nœuds, mais des fois ça monte à 30-31 nœuds sans prévenir, le bateau fait des accélérations à 35 nœuds…

Sébastien Simon
Groupe Dubreuil

Malgré ces conditions complexes, le skipper sablais ne regrette pas d’être resté dans le Sud : 


On a eu 40 nœuds max en avant du front, c’était je pense le bon choix. Le noyau de mer je vais le prendre maintenant alors que le groupe du Nord l’a déjà depuis plusieurs heures. De toutes façons il n’y avait pas d’escape, on était trop Sud. Je ne tiens pas les routages, mais je veux traverser cet Océan Indien sans encombre donc je suis très prudent, c’est pas le moment de tirer sur la machine je pense, je saurai le faire à d’autres moments, je fais la course à mon rythme !

Sébastien Simon
Groupe Dubreuil

Reste que cela est « un peu frustrant » de voir Charlie Dalin s’échapper, lui qui se livre décidément à une démonstration de maîtrise à un rythme infernal. Vraiment, si son brushing est impeccable à la prochaine vacation, on crie à la machination ! 

Voilà pour le groupe « Kerguelen » et les garçons. Car si nos marins n’ont que peu de temps pour nous envoyer des cartes postales, ils ont la sympathie de nous faire réviser notre géographie. Au Nord, c’est en effet les cailloux de Saint-Paul et Amsterdam, sortis de mer voilà près de 100 000 années, que nos marins vont approcher. Yoann Richomme (PAPREC-ARKÉA, 3e) en tête, qui bataille déjà avec 7 mètres de vague selon les fichiers, suivi, 80 milles derrière, par Thomas Ruyant (VULNERABLE, 4e). Pour tout ce paquet, qui s’étire plus Sud jusqu’à Paul Meilhat (Biotherm, 8e) et Yannick Bestaven (Maître CoQ V, 9e), c’est l’état de la mer qui va leur faire vivre une épreuve qu’on ne souhaite pas à grand monde, puisque, déjà, ils sont croqués par l'anticyclone derrière la dépression.

« C’est une galère en plus ! »

La visite des TAAF se poursuit ensuite avec le groupe mené par Justine Mettraux (TeamWork – TEAM SNEF, 10e), qui fonce droit vers l’archipel Crozet ! Une perspective qui ravit déjà Clarisse Crémer (L’Occitane en Provence, 12e), toujours aussi exaltée par le spectacle environnant : 
 


Normalement demain dans la journée, j’arrive avant qu’il fasse nuit au vent de l’île aux Cochons donc je devrais la voir, je suis trop contente. Il y a déjà des tonnes d’albatros, hier j’en avais une douzaine autour de moi, ça c’est assez stylé, je sais pas si j’en avais déjà vu autant d’un coup ! Ils paraissent irréels tellement ils sont gros, c’est vraiment très étrange, on dirait des dessins animés ! Quand je vais prendre un ris ou affaler quelque chose, faut toujours s’armer de courage mais en général on est toujours récompensé par des belles apparitions comme ça ! Mais j’ai toujours tendance à avoir envie de ralentir pour les regarder, ce qui n’est pas tout à fait le plan !

Clarisse Crémer
L'OCCITANE en Provence

Le plan de la navigatrice a tout de même été un peu compromis aussi par son avarie. Le support de son vérin de foil a rendu l’âme, et avec lui la possibilité de régler convenablement son appendice pourtant bien utile. Pour elle, les prochains jours devraient être relativement simples à aborder, même si « c’est jamais tout droit comme dans les bouquins ». « Il va forcément y avoir un moment désagréable avec une dépression qui passe d’ici à ce qu’on remonte de la zone des glaces, mais si tout va bien c’en est pas une trop creuse », raconte Clarisse Crémer, qui expérimente à nouveau quelques sensations du Grand Sud rencontrées voilà quatre ans : 


J’ai retrouvé le froid, il fait 10 degrés dans le bateau, c’est pas horrible mais quand t’essaies de dormir t’as vite froid ! Tu sais quand t’as tellement dormi et écrasé que tu te réveilles t’es trempée comme les bébés qui dorment. T’es toute transpirante de sueur du sommeil lourd du début de nuit, et il faut sortir de ta couette pour aller renvoyer un ris, c’est un petit moment désagréable (rires) ! Par contre la sensation d’aller se mettre sous sa couette, est tellement agréable !

Clarisse Crémer
L'OCCITANE en Provence

COURSE, 05 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau FOUSSIER lors de la course à la voile du Vendée Globe le 05 décembre 2024. (Photo du skipper Sébastien Marsset) Cap de Bonne Espérance
COURSE, 05 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau FOUSSIER lors de la course à la voile du Vendée Globe le 05 décembre 2024. (Photo du skipper Sébastien Marsset) Cap de Bonne Espérance

« On a eu jusqu’à 45-47 nœuds  »

Pas sûr que le groupe suivant ait beaucoup eu le temps d’aller à la banette ces dernières heures, avec un passage de la pointe sud-africaine réalisée dans des conditions bien engagées. A l’image de Sébastien Marsset (Foussier, 26e), qui raconte : 


La nuit a été hyper active, on est toujours en avant du front. On a eu jusqu’à 45-47 nœuds, il a fallu réduire au fur et à mesure de la nuit ! J’ai pris le ris 3, joué avec la trinquette… et pour couronner le coup, j’ai pris un truc dans ma quille et j’ai dû faire deux marches arrières avec trois mètres de houle et une mer courte ! Mais ça s’est bien passé, j’ai pu retrouver ma vitesse.

Sébastien Marsset
FOUSSIER

Vers quel TAAF choisira-t-il de pointer l'étrave ? Pour l'heure, ses prédécesseurs, à commencer par Jean Le Cam (Tout Commence en Finistère - Armor-lux, 20e), talonné de près par Alan Roura (Hublot, 21e) ont mis le cap au Nord, longeant encore la côte sud-africaine, comme un dernier au revoir au continent africain. Avant le prochain ! 

COURSE, 05 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Groupe APICIL lors de la course à la voile du Vendée Globe le 05 décembre 2024. (Photo du skipper Damien Seguin) arc-en-ciel
COURSE, 05 DÉCEMBRE 2024 : Photo envoyée depuis le bateau Groupe APICIL lors de la course à la voile du Vendée Globe le 05 décembre 2024. (Photo du skipper Damien Seguin) arc-en-ciel

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