Boris Hermann : « cette expérience va me rendre plus fort »
C’est un homme heureux et soulagé qui a profité de sa remontée du chenal, des retrouvailles avec ses proches et avec son équipe. Devant les micros et les caméras, le skipper allemand n’occulte pas les moments durs. Pourtant, il assure que les épreuves qu’il a traversées pendant son tour du monde lui ont permis de franchir un nouveau palier. Les premiers mots du skipper de Malizia Seaexplorer sont ceux d’un marin détendu, conscient de l’intensité de la bataille qu’il a menée et déjà prêt à se fixer de nouveaux challenges en IMOCA.
Vendée Globe :
Comment te sens-tu après plus de 80 jours de course ?
Je suis ravi d’être là et soulagé. C’était une sacrée aventure ! Depuis le cap Horn, j’ai eu que du près et des problèmes techniques. À ce moment-là, c’est devenu une aventure. Les derniers jours j’ai eu 65 nœuds de vent, des vagues de 10 mètres au cap Finisterre, quelques déferlantes qui ont couché le bateau, une grand-voile déchirée, tout ça avec un foil abîmé… À la fin, c’était vraiment très intense.
Vendée Globe :
Quel est ton sentiment à l’issue de ce 2e Vendée Globe consécutif ?
Je suis très heureux de toute ma course même des moments durs que j’ai vécus. Le Vendée Globe, c’est avant tout une course contre nous-même. C’est un challenge mental où il faut surmonter toujours les problèmes. Et de ce point de vue-là, ça s’est très bien passé pour moi. Je n’étais pas trop stressé et même pendant les moments difficiles, j’ai profité. Je suis persuadé que cette expérience va contribuer à m’enrichir.
Vendée Globe :
Il n’y a pas de frustration alors que tu étais un temps en lice pour la 4e place ?
Non, je reste très content de ma prestation. C’est une expérience qui va me rendre plus fort pour les prochaines échéances. J’ai réussi à trouver les ressources pour monter au mât, je viens de passer trois jours dans une tempête gigantesque… Ce sont plein d’acquis que j’espère mettre en œuvre la prochaine fois avec un peu plus de chance j’espère !
Vendée Globe :
Que t’a apporté ce Vendée Globe ?
J’ai eu beaucoup de coups durs, mais ça m’a finalement donné confiance, car j’ai toujours trouvé les solutions et j’ai réussi à en profiter quand même. Chaque jour pendant le Vendée Globe est différent, on n’est jamais à l'abri d’une surprise, bonne ou mauvaise. C’est la nature même de l’aventure, de ne jamais savoir !
Vendée Globe :
Comment as-tu vécu moralement ton avarie de foil dans l’Atlantique Nord ?
J’étais réveillé quand j’ai entendu l’impact. Au début, je ne pensais pas que c’était si grave. J’étais étonné de voir les conséquences mécaniques sur le foil qui était totalement explosé. J’ai essayé de gérer la situation en gardant au maximum mon calme. Le plus dur à gérer, c’est la pression de la course en permanence. Mais après l’avarie, la seule préoccupation que j’avais, c’était de ramener le bateau ‘safe’ sur la ligne d’arrivée. Réparer, être un peu technicien, trouver des solutions, ça m’amuse. Donc dès que l’avarie s’est produite, j’ai changé d’état d’esprit pour rester combatif.
Vendée Globe :
Que penses-tu des bateaux actuels, sont-ils devenus trop extrêmes ?
Je pense qu’on s’habitue à beaucoup de choses. Je ne crois pas que la machine dépasse l’Homme. La question est de savoir comment on le vit. La vie à bord est-elle encore une source de joie ? Je me rappelle qu’à bord de bateaux plus lents, j’écrivais un journal à la main. Aujourd’hui, c’est impossible : même taper sur un clavier ou un téléphone devient trop compliqué, alors on fait des vocaux. J’ai toujours aimé ça : rêver, contempler la mer. C’est vrai que c’est de moins en moins le cas.
On se bat un peu avec la machine, mais c’est notre choix. C’est ce qui nous attire, de découvrir tout le potentiel du bateau. C’est d’ailleurs inspirant de voir la performance du premier. Quand tu fais le compte, après 64 jours en mer, tu réalises que Charlie a passé 16 jours de moins que moi à se faire secouer ! Est-ce que c’est mieux ? Je ne sais pas. Mais avec ces vitesses, on peut éviter les tempêtes plus facilement. Je pense qu’il ne faut pas freiner l’évolution, qu’il faut aller de l’avant, encourager l’innovation et rendre ces bateaux encore plus agressifs.