De temps à autre, la réalité refait surface, discrète mais insistante, comme une vague qui les éclabousse pile quand ils pensaient rester au sec. Une odeur de sel plus forte ou un vent qui soudain se tait. Ils guettent ces petits signes avec l’attention de marins devenus experts dans l’art de lire l’invisible. Les souvenirs, eux, commencent à remonter doucement à la surface, un peu comme ces vieilles boîtes qu’on redécouvre en faisant le ménage de printemps. Ils repensent aux nuits glaciales où ils maudissaient le monde entier, aux tempêtes qui leur ont arraché quelques jurons, et à ces instants de grâce où l’océan semblait les bercer plutôt que les défier. Ce qui semblait insurmontable au début est maintenant derrière eux, et même si leur corps réclame une pause, leur esprit s’accroche encore à cette vie nomade et sauvage. Ils savent qu’à l’arrivée, la terre les attend avec ses festivités, ses caméras et ses embrassades. Mais ils pressentent aussi que la transition ne sera pas si simple. Comment raconter à ceux restés à terre ce mélange étrange de solitude et de grandeur ? Comment décrire ces journées où ils n’étaient plus sûrs s’ils vivaient un rêve ou un défi insensé ?
Derniers milles, derniers symboles
Guirec Soudée, lui, se concentre sur un dernier clin d’œil à son parcours : « Je monte un peu plus haut que prévu pour apercevoir la Bretagne. Une fois les côtes en vue, je redescendrai tranquillement vers Les Sables d’Olonne. Après un tour du monde, c’est un passage symbolique qui compte pour moi : voir cette région qui est la mienne en premier. Et puis, j’ai la chance de ne pas avoir de concurrents collés derrière moi ! », a raconté le marin. Pour lui, ce détour n’est en effet pas stratégique. C’est une manière de boucler la boucle en revoyant ses racines avant l’arrivée. Mais pour l’instant, il affronte encore une mer agitée et des vents de face soufflant entre 35 et 40 nœuds. « Ça tape, ça tape ! Ce n’est vraiment pas confortable et surtout, ça fait mal pour le bateau. Par moments, tu te demandes comment il tient le coup. Ce ne sont clairement pas des conditions où l’on prend du plaisir », a concédé le skipper de Freelance.com. Pourtant, même au milieu des secousses et de la fatigue, il trouve encore de quoi apprécier cette parenthèse unique. Ce qu’il apprécie le plus, c’est cette liberté absolue : peu de contraintes, du temps pour lui-même, et la possibilité de réfléchir sans être envahi par des pensées négatives. Imaginer la suite, se rappeler tout ce que cette aventure lui a offert.