Toutes les actualités

Atlantique Nord : l’ultime défi

Une dépression pas piquée des hannetons, avec une pression de 950 hectopascals, s’installe sur la route du groupe allant de Jérémie Beyou (Charal) à Samantha Davies (Initiatives-Cœur). Ce système, qui pourrait bien être le plus imposant de tout le tour du monde, génère des vents atteignant 50 nœuds et des vagues de dix mètres, transformant la dernière portion du parcours en une épreuve redoutable. Sans possibilité réelle de contourner ce mastodonte météorologique, les skippers vont devoir l’affronter de front. Paul Meilhat (Biotherm) avait souligné avec justesse il y a quelques jours que l’Atlantique Nord en hiver pouvait se révéler encore plus redoutable que les mers du Sud en plein été austral. Cette réalité s’impose aujourd’hui, à un moment où les bateaux, comme les marins, sont déjà bien éprouvés par des semaines de navigation intense. À ce stade de la course, il faudra faire preuve de résilience et de sang-froid pour encaisser cet ultime défi. Ce « cadeau » de dernière minute promet de n’épargner ni les nerfs, ni les corps, mais il va s’agir de tenir bon pour franchir la ligne d’arrivée.

COURSE, 17 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau GUYOT Environnement - Water Family lors de la course à la voile du Vendée Globe le 17 janvier 2025. (Photo du skipper Benjamin Dutreux)
COURSE, 17 JANVIER 2025 : Photo envoyée depuis le bateau GUYOT Environnement - Water Family lors de la course à la voile du Vendée Globe le 17 janvier 2025. (Photo du skipper Benjamin Dutreux)

Un tel scénario, les marins l’auraient volontiers évité. À l’approche de l’arrivée, cette dépression colossale s’impose comme un obstacle redoutable, un ultime rappel que l’Atlantique Nord peut se montrer impitoyable. Ce schéma météorologique n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui qui, il y a quatre ans, avait surpris Maxime Sorel et Clarisse Crémer dans des conditions similaires, rendant leurs derniers milles particulièrement éprouvants. « Je dois avouer, avec un soupir, que j’aurais aimé que cette fois ce soit plus simple, mais c’est comme ça. J’aurais bien rêvé d’une petite arrivée peinarde, mais ce n’est clairement pas ce qui se profile. La dépression a ralenti, et maintenant, c’est nous qu’elle vient emmerder ! », a déploré la skipper de l’Occitane en Provence. Elle imaginait que cette énorme tâche violette sur la cartographie, bien visible, n’allait concerner que le petit groupe de six bateaux situé 350 milles devant elle. Mais cette "grosse Bertha", comme l’aurait sans doute surnommée Benjamin Ferré (Monnoyeur – Duo for a Job) —aux prises avec un nouveau problème de hook de FR0, ce samedi —, semble bien décidée à secouer également tous ceux qui se trouvent actuellement dans l’Ouest du Cap Vert. « Dans ce contexte, c’est d’autant plus difficile de ne pas être jaloux des trois premiers. Je ne sais pas s’ils savent la chance qu’ils ont eue à partir de l’Indien ! », a ajouté la navigatrice.

Prévisions inquiétantes, solutions complexes

« Tout va en fait un peu dépendre du passage de la dorsale et du moment où nous en sortirons. La dépression est très creuse. Est-ce qu’on va se retrouver devant, au milieu ou derrière le front ? C’est hyper dur à dire », a expliqué Jérémie Beyou (Charal). Le skipper ne cache pas son appréhension face à la complexité de la situation, d’autant plus que les prévisions ne laissent guère de marge de manœuvre. 


Ça continue à être compliqué en termes de météo. On regarde avec attention ce qui va se passer devant, et c’est pas mal stressant. Tout le monde aimerait bien trouver un chemin qui soit praticable.

Jérémie Beyou
CHARAL

Mais entre la force du vent et la hauteur des vagues, les options se réduisent : « C’est tout le problème. Même en analysant la situation sous tous les angles, c’est compliqué. La dépression est particulièrement costaude et la mer annoncée très forte. On parle de vagues de 8 à 10 mètres, voire davantage. C’est inquiétant. Tout le monde est un peu dans l’expectative », a ajouté le Finistérien, habitué aux situations difficiles et pas vraiment adepte du demi-tour à la première bosse, malgré des problèmes de pilote automatique qui compliquent déjà son quotidien et risquent de rendre la suite encore plus ardue.

Route incertaine et choc inévitable

« Hier, j’arrivais à faire des routes vers Madère, en restant un peu au sud-est. Ça atténuait pas mal la force du vent mais surtout la mer. Aujourd’hui cette route ressort moins viable. Le nouveau problème qui se pose c’est que la dépression progresse plus vite et plus dans l’Est. L’un d’entre nous va se l’emplafonner, c’est sûr. Reste à savoir qui : Sam (Goodchild) et moi à l’avant, ceux au milieu, ou ceux à l’arrière… Pour l’heure, je n’en ai aucune idée. Tout va se jouer à quelques heures ou à quelques dizaines de milles près. C’est très difficile à prévoir », a détaillé Jérémie, prêt à plonger dans le ring, même si le cœur bat un peu fort.

Un coup de massue météo avant l’arrivée

Cette dépression s’annonce, de fait, comme l’un des phénomènes les plus violents de ce Vendée Globe. Avec des vents à décoiffer un cachalot et des vagues à donner le vertige à un alpiniste, elle impose une pression supplémentaire sur des marins déjà épuisés et des bateaux marqués par des semaines de navigation intense. « Ça arrive à un moment où tout est déjà bien usé, aussi bien les bonhommes que le matériel », a confirmé le triple vainqueur de la Solitaire du Figaro. Pour lui, comme pour les autres, il s’agit désormais d’avancer avec précaution et de faire les bons choix, car le moindre faux pas pourrait avoir des conséquences lourdes. « Dans des conditions aussi fortes, il ne faut pas faire d’erreurs. On sait que ça va être un peu chargé. Cela fait trois semaines que chaque journée est marquée par des chocs incessants. On navigue sur des angles serrés, avec une mer formée. Les bateaux commencent à montrer des signes de fatigue, et nous aussi. Il faut rester vigilant sur cette dernière ligne droite, bien préserver le matériel pour s’assurer d’aller au bout », a commenté de son côté Justine Mettraux (TeamWork – Groupe Snef), actuellement pointée à une remarquable 8e position.

Gérer l’usure

Elle et les autres solitaires concernés vont bientôt buter contre une dorsale anticyclonique. Un ralentissement est d’ailleurs déjà perceptible pour les bateaux en tête. Ce passage promet une transition délicate avant d’entrer dans le dur lundi, lorsque les vents se renforceront et que la mer deviendra plus exigeante. « On va avoir 24 heures un peu engagées pour aller vers le cap Finisterre et le golfe de Gascogne. C’est pour ça qu’il est important d’emmagasiner de l’énergie et de bien se reposer maintenant », a précisé la Suissesse. En attendant cette bascule météo, recharger les batteries au maximum – si tant est que ce soit encore possible après un tel marathon – fait partie des priorités. À cela s’ajoute une vérification minutieuse du bateau et le renforcement des zones sensibles. À titre d’exemple, Paul Meilhat (Biotherm) s’est lancé hier dans une ascension de son mât, bricolant un ingénieux mélange de câbles et d’estropes pour pallier la perte de son étai. Une intervention délicate mais indispensable avant de faire face à des conditions plus musclées. Car, au final, l’objectif de tous reste le même : franchir la ligne d’arrivée. Peu importe la fatigue ou les imprévus, chaque marin se bat pour aller au bout de ce tour du monde, avec encore davantage de volonté qu'un randonneur face à une montagne sans fin.


Partager cet article

Dernières actualités