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Antoine Cornic : « Savoir aller au bout de ses envies »

PAROLES DE SKIPPERS (5/40). Il avait tenté de participer au Vendée Globe en 2004. Vingt ans plus tard, Antoine Cornic fera partie des participants à cette 10e édition. Interview d’un skipper qui a toujours gardé le Vendée Globe dans un coin de la tête.

LORIENT, FRANCE - 2 SEPTEMBRE 2024 : Le skipper de Human Immobilier Antoine Cornic (FRA) est photographié le 2 septembre 2024 à Lorient, France - Photo par Bastien Hebras
© Bastien Hebras

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Après une première participation à la Mini Transat en 2001, Antoine Cornic entreprend de monter un projet pour le Vendée Globe 2004-2005. Faute de moyens, celui-ci tombe à l’eau. L’ancien champion de judo se concentre alors sur sa vie de restaurateur, à l’île de Ré, mais son vieux rêve de faire le tour du monde à la voile et en solitaire finit par le rattraper. En février 2020, il fait alors l’acquisition d’un plan Owen-Clark ayant disputé le Vendée Globe 2008-2009 avec le Canadien Derek Hatfield (abandon sur bris de barres de flèches). Ce dernier est aujourd’hui le plus ancien IMOCA de la flotte et le skipper de Human Immobilier, qui n’aspire qu’à boucler la boucle et ainsi à clôturer un « cycle » de sa vie, espère le faire aussi pour lui.  

Vendée Globe :

Vingt ans après un premier essai avorté, te voilà donc au départ de ton premier Vendée Globe. Que représente-t-il pour toi  ? 

 

Antoine Cornic

Antoine Cornic

HUMAN IMMOBILIER

J’en ai rêvé pendant tellement d’années ! C’est une des courses que je voulais absolument faire et aujourd’hui, j’y suis enfin ! Après la Mini Transat en 2001, je n’ai pas rebondi, contrairement à des gars comme Yannick Bestaven ou Arnaud Boissières qui faisaient partie de la même « promo ». A l’époque, j’avais effectivement essayé de monter un projet Vendée Globe, mais sans succès. Ça m’avait usé mentalement. Il fallait alors que je fasse autre chose, ce que j’ai fait. La Mini Transat a ensuite de nouveau été organisée au départ de La Rochelle, en 2017. Pour moi, c’était assez simple de la refaire en bossant à côté, avec les restaurants. Je ne pensais cependant pas que le virus du large allait me repiquer autant et de me redonner envie d’aller faire le « tour ». 

Vendée Globe :

C’est ce qui t’a poussé à monter à nouveau un projet Vendée Globe ? 

Oui et ça a mis près d’une année à se concrétiser. J’ai acheté le bateau et puis hop ! Ma femme m’a largement encouragé. Elle m’a toujours poussé à avancer, même quand ce n’était pas simple pendant ces quatre dernières années. C’est une chance pour moi d’avoir son soutien mais c’est ainsi que nous fonctionnons depuis toujours. Quand elle est partie faire des rallyes, je l’ai aidée et j’étais très fier de ce qu’elle faisait. J’ai en tête un vieux souvenir de mon père qui voulait s’engager sur un Paris-Dakar lorsque j’étais gamin. Il lui manquait 30 000 francs à l’époque. Ma mère lui avait suggéré de faire un crédit mais il n’avait pas voulu en partant du principe que ce n’était pas raisonnable. Il l’a toujours regretté. De ce fait, je pense qu’il vaut mieux vivre avec des remords qu’avec des regrets. Ça permet d’avancer et de tout le temps se remettre en cause. Il faut savoir aller au bout de ses envies. Parfois, ce n’est bien sûr pas possible mais si c’est le cas, il faut le faire.  

Vendée Globe :

Tu te sens prêt à vivre cette grande aventure ? 

J’ai hâte de rentrer dans la phase définitive du projet. De passer au mode course et d’essayer de savourer un max du truc. Je ne sais pas comment les choses vont se dérouler mais je vais tâcher de profiter à 200% de la chance que j’ai d’être au départ de ce Vendée Globe. C’est cependant une chance sans être une chance car je me suis vraiment battu pour pouvoir y être. Certains sont restés sur le tapis. Rien que pour eux, je dois vivre cette aventure à fond et je pense qu’elle va être énorme ! Je pense que ça va être un Vendée Globe énorme ! Les nouveaux bateaux vont sans doute faire passer l’épreuve dans un autre univers encore. Pour les « petits » à dérives, comme moi, il y aura une course dans la course. On sent déjà l’émulation et ce n’est pas pour me déplaire. Ça va rajouter du jeu. Tout le monde aura plein d’histoires à raconter et je pense que ça va être fantastique !

Vendée Globe :

Quels sont les points sur lesquels tu as vraiment mis l’accent lors de ta préparation  ? 

Avec mon équipe, on a cherché à être « propre » partout. On a essayé de bien faire les choses et de réfléchir à une préparation la plus poussée possible avec les moyens qu’on avait. Certains choix techniques ont parfois été difficiles à faire pour des raisons budgétaires. On a beaucoup travaillé sur des voiles d’occasion pendant les quatre premières années pour s’assurer de pouvoir partir sur le Vendée Globe avec des voiles neuves. On a changé le mât, la quille, les safrans… Très souvent, des copains nous ont ouvert leurs ateliers et permis de récupérer des pièces qui dormaient sur des étagères afin de leur donner une nouvelle vie. La fiabilité est constamment restée notre fil rouge pour maximiser nos chances de faire le tour et de le finir dans les meilleures conditions possibles. On n’est jamais parti dans des extrêmes, ni dans du « chabadi-chabada ». On n’avait pas les moyens humains et financiers pour faire ça de toutes façons. Ce que j’espère à la fin, c’est pouvoir dire à Michel Desjoyeaux que le Vendée Globe, ce n’est plus une emmerde par jour mais seulement une tous les trois jours ! 

Vendée Globe :

Qu’est-ce que fait ta force pour ce Vendée Globe  ? 

 

Je pense que je vais passer un très bon moment parce que j’aime être seul et longtemps en mer. Mon autre force, c’est que je n’ai aucune pression de résultat. Avec les partenaires du projet, il a toujours été dit qu’on était là pour vivre une aventure. On n’a jamais parlé de classement. La seule pression que j’ai, c’est celle que je me mets pour boucler la boucle. Bien que j’aie quitté le milieu de la course au large pendant un moment avant d’y revenir, j’ai toujours beaucoup navigué. Je pense que je suis un marin avant tout et que je trouverai des solutions pour pouvoir ramener le bateau à bon port. Ma femme et mon équipe sont à fond derrière moi. Je sais que je ne vais pas recevoir de la pression de la terre non plus à ce niveau-là. 

Vendée Globe :

Que redoutes-tu le plus  ? 

 

Le retour  ! Passer de rien à tout d’un coup, après 90 ou 100 jours passés en solitaire, promet d’être un passage un peu fou. Je ne sais pas comment je vais réagir. 

Vendée Globe :

Lorsque tu penses au Vendée Globe, quelle est la première image qui te vient en tête  ? 

Je pense à cette bande de copains qui, en 1989, est partie pour faire une course interplanétaire sans savoir où elle allait ! Alain Gautier, Titouan Lamazou, Philippe Jeantot, Pierre Follefant… tous ces gars-là étaient des pionniers. Leurs aventures m’ont marqué. J’ai notamment en mémoire le sauvetage de Philippe Poupon par Loïck Peyron. Je revois son bateau avec toutes ses voiles déchirées puis son mât d’artimon qui a fini par être coupé… De toutes les éditions, il reste des anecdotes incroyables et il en ressort à chaque fois une part de rêve. 

Vendée Globe :

Quel est, à date, ton plus beau souvenir de mer ? 

Il y en a tellement  ! C’est dur de répondre à cette question. C’est peut-être l’arrivée de ma première Mini Transat, en 2001, au Brésil, mais il y en a tant d’autres ! En mer, j’aime vivre des moments de plénitude entouré de mammifères marins, observer un coucher de soleil ou recevoir un mail de ma femme au beau milieu de la nuit… Toutes ces petites choses sont toujours très agréables  ! 

Vendée Globe :

Ton meilleur moment sur ce bateau ? 

Mon premier convoyage, entre Lorient et La Rochelle. Je venais de le récupérer à l’état d’épave mais c’est le moment où j’ai réalisé que je touchais mon rêve du doigt. 

Vendée Globe :

Ton rêve le plus fou sur ce Vendée Globe ? 

Je n’ai pas réellement d’autres rêves que celui de le finir. Cela me permettrait de clôturer cette histoire. La personne avec qui je fais de la préparation mentale me dit que je fonctionne par cycles. Si je ne finis pas celui-ci, j’aurais du mal à partir sur le suivant. J’ai envie d’aller au bout pour moi, mais aussi pour le bateau. Il avait abandonné lors de l’édition 2008-2009. Il mérite de faire son premier tour du monde. J’ai envie de lui donner cette victoire à lui de passer la ligne d’arrivée et de prouver que c’était bel et bien un bateau fait pour ce type de défi. 

Vendée Globe :

Le marin qui t'inspire le plus ?  

Francis Joyon. Il m’a toujours impressionné. C’est un des mecs avec qui j’aurais bien voulu me retrouver en mer. J’aime sa façon de naviguer et de gérer son immense carrière. J’aime aussi sa sérénité. 

Vendée Globe :

Ce que tu fais quand tu ne fais pas de bateau ? 

 

Je suis un épicurien. J’aime avoir beaucoup de gens autour de moi et partager avec eux de bons repas. Je passe par ailleurs beaucoup de temps dans les caves à travailler et à déguster le vin avec ma femme. C’est une de nos passions. On aime échanger avec les vignerons et comprendre les vinifications. J’essaie aussi d’être très présent pour mes enfants. J’aime par ailleurs passer un peu de temps dans la nature et me balader avec mon chien. 

Vendée Globe :

Le truc qui ne te quitte jamais, que tu emmènes en mer ? 

 

Des photos polaroïds de mes enfants et de ma femme. J’emmène aussi du saucisson tranché sous vide. C’est un vrai anti-dépresseur à bord surtout que chaque sachet est caché dans mes sacs et contient des petits mots de mes potes. Comme j’aime qu’un plan se déroule sans accroc, j’embarque également un cigare que je me réserve pour le moment de l’arrivée. Je le fais depuis très longtemps mais je ne le fume que si tout s’est passé de la manière dont je le souhaitais. Je n’ai, par exemple, pas consommé celui de la Transat Anglaise. J’espère allumer celui-ci  !  


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