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Rififi à l’approche des Canaries

400 milles séparent la tête de flotte, menée par Nicolas Lunven depuis le début d'après-midi, de la lanterne rouge, Jingkun Xu (Singchain Team Haikou). Mais tandis que le groupe de tête savoure les joies de la glisse après un passage de Madère éprouvant, à l’arrière, les conditions toujours toniques vont permettre au reste de la flotte de recoller aux leaders. De leurs côtés, Maxime Sorel (VnB – Monbana – Mayenne), dont la cheville inquiète toujours, et Szabolcs Weöres (New Europe) font tout pour trouver une zone d’accalmie afin de résoudre leurs problèmes de voiles. État des lieux, quatre jours après le grand départ.

Maxime Sorel à bord de Vnb - Monbana - Mayenne
© Maxime Falcone

Ne vous fiez pas aux apparences. Approcher l’île de Madère, filer vers les Canaries, voir le vent mollir et analyser compulsivement les fichiers météos ne présagent de rien. La guerre des nerfs n’épargnera personne dans cette régate XXL, même les favoris actuellement en tête de course. « J’ai fait une nuit blanche », explique d’une voix éreintée de fatigue Charlie Dalin (MACIF Santé Prévoyance) à des journalistes lors d’une vacation organisée au Musée de la Marine, à Paris. « Je crois que j’ai eu tout le catalogue des mauvais choix de manœuvres et je me suis fait arrêter par le dévent de l’île*… Je n’ai pas eu de chance, c’était très frustrant »


On a du vent un peu plus serré qui nous permet de descendre vers le Sud, analyse Romain. Les premiers vont s’arrêter parce qu’il n’y a plus d’alizé et nous ça va nous permettre de recoller sans jouer à l’élastique

Romain Attanasio

FORTINET - BEST WESTERN

Vers un resserrement de la flotte

Un sentiment nul doute partagé par la tête de la flotte.« Il fallait essayer de laisser Madère à bâbord, empanner et trouver la rotation de vent, c’était vraiment pas facile », reconnaît Boris Herrmann (Malizia – Seaexplorer) qui, lui aussi, n’a « pas bien dormi ». Louis Burton (Bureau Vallée), exceptionnel de régularité et dans le ‘top 10’ depuis le début de la course, ne cache pas que la nuit a été dure. « En approchant de Madère, j’ai eu de gros nuages, le vent montait à 25 nœuds, tu bombardes et puis ça s’arrête, ça repart… J’ai perdu pas mal de temps à ce moment-là ». Sam Goodchild (VULNERABLE) abonde : « je me suis fait arrêter par un nuage et une averse pendant 25 minutes ».

C’est désormais une météo semblant offrir un semblant de répit qui accueille la flotte des solitaires en ce 4e jour de course. « Les leaders ralentissent avec moins de vent – 13 à 15 nœuds - et une mer plus plate qui va leur permettre de glisser et d’être stables », décrypte Basile Rochut, consultant météo du Vendée Globe. Idéal pour rattraper un peu les carences en sommeil et profiter de températures plus clémentes. « Je vais pouvoir rester pieds nus et en maillot de bain jusqu’à l’équateur », sourit Boris Herrmann. « C’est ambiance tee-shirt et alizé », poursuit Nicolas Lunven, invité ce midi au Vendée Live, l’émission quotidienne de la course. Le skipper d’Holcim-PRB a le sourire et pour cause : il a pris les commandes de la course cet après-midi. 

Mais le vent va continuer de faiblir, encore. Une situation qui devrait profiter au reste de la flotte dont une partie bénéficie à l’inverse de conditions toujours toniques. On relevait ainsi 30 nœuds de moyenne et des pointes à 40 nœuds pour Jingkun Xu (Singchain Team Haikou) qui ferme la marche. 

Dans le cœur du peloton, Romain Attanasio (Fortinet-Best Western) parlait ce matin d’un vent instable « entre 10 et 25 nœuds ». Néanmoins, il se réjouit, comme une large partie de la flotte, de pouvoir en profiter et revenir sur les leaders.  « On a du vent un peu plus serré qui nous permet de descendre vers le Sud, analyse Romain. Les premiers vont s’arrêter parce qu’il n’y a plus d’alizé et nous ça va nous permettre de recoller sans jouer à l’élastique ». Mais Romain sait, comme les autres, qu’il n’y a jamais d’acquis en course au large. Et la suite est encore difficile à envisager. « Ça s’annonce très compliqué de composer avec cet alizé » reconnaît le skipper de Fortinet- Best Western.

Louis Burton et Boris Herrmann parlent tous les deux de « situation pas très claire ». Le skipper de Bureau Vallée assure que « les modèles météos ne convergent pas et qu’il y a de grosses zones de molle à traverser », celui de Malizia – Seaexplorer qu’il « faut tenter vers le Sud-Ouest ». Yoann Richomme (PAPREC ARKEA) résume la situation dans une vidéo : « on va vers une belle zone d’incertitude ! ». Vincent Riou, invité lui aussi du Vendée Live, abonde : « du passage de cette zone de vent calme va dépendre du temps de chacun à l’équateur ». L’ex-vainqueur du Vendée Globe (2004-2005) parle d’un « combat magnifique », « chaque manœuvre ratée, chaque incertitude, chaque choix peut avoir une incidence sur le classement ».


Des soucis techniques, on peut en avoir plein mais ma blessure à la cheville, ça engendre forcément pas mal de questions. Dès que je pose le pied sur une surface courbée, la douleur est permanente. Ça ne fait qu’enfler depuis le début, malgré le traitement et les anti-inflammatoires.

Maxime Sorel

V AND B - MONBANA - MAYENNE

Chez Maxime Sorel, les ennuis ont volé en escadrille. Une nuit pour réparer son gennaker, une autre pour des soucis de grand-voile, une troisième pour essayer de l’affaler… Et puis il y a ce choc à la cheville qui gonfle et qui l’inquiète. « Des soucis techniques, on peut en avoir plein mais ma blessure à la cheville, ça engendre forcément pas mal de questions. Dès que je pose le pied sur une surface courbée, la douleur est permanente. Ça ne fait qu’enfler depuis le début, malgré le traitement et les anti-inflammatoires ». Dans le même temps, Maxime sait qu’il devra monter au mât pour résoudre son problème de hook et de chariot de grand-voile

Autre skipper en prise avec les réparations : Szabolcs Weöres. Le skipper de New Europe a réussi à dégager son étai de la voile A7 endommagé depuis la veille. Pour y parvenir, il a bénéficié d’une accalmie pour monter au mât, jusqu’au point d’attache de l’étai. Il y est resté plus d’une heure avant de découper les sections de voile sur le pont. Comme Maxime, il aspire à continuer les réparations au plus vite et cherche la zone qui s’y prête le plus. De quoi garder espoir avant, il l’espère, continuer sa longue route.  

  

* “La zone tampon”. Si l’île de Madère, par son relief, crée une zone de dévent dans son sud (quand le vent vient du Nord comme actuellement sur le Vendée Globe), il y a aussi une zone où les vents sont faibles sur le devant de l’île (dans son Nord) à cause de l’effet “ressac” : comme lorsqu’une vague, après avoir touché la côte, revient sur ses pas et rencontre la prochaine vague qui annule alors sa force, le vent touche les reliefs, “rebondit” et annule sa force sur une petite zone… à éviter !


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