« Fini l’anticyclone, les zones de mou et la douceur. Il va falloir se mettre au rythme des mers du Sud, s’habituer au froid et accepter les bruits du bateau dans la mer formée », a commenté Fabrice Amedeo (Nexans – Wewise) qui, comme tous les autres, se serait presque habitué à naviguer dans des conditions relativement clémentes depuis son départ des Sables d’Olonne sauf qu’évidemment, ça ne pouvait pas durer éternellement sur un exercice tel qu’un tour du monde. « Il fallait bien qu’à un moment donné, on quitte le short et le tee-shirt », a confirmé Damien Seguin qui s'adapte depuis 24 heures. « Il y a quatre ans, je me souviens que j’avais vécu cette transition de manière abrupte car elle s’était produite du jour au lendemain. C’est pareil cette fois. Le changement est beaucoup moins pondéré dans ce sens que dans l’autre sens, quand on passe de la zone tropicale à l’Atlantique Nord », a ajouté le skipper de Groupe APICIL. A bord des IMOCA, la vie se réorganise donc doucement. L’équipement du marin aussi.
Savoir faire preuve d’humilité
« Ces mers du Sud, elles font un peu peur et en même temps, elles attirent énormément. Ce sont des contrées sauvages. On y passe avec humilité, sur la pointe des pieds, en s’excusant d’être là, au milieu de toute cette nature sauvage », a ajouté Fabrice Amedeo qui sait, pour l’avoir déjà vécu, qu’il se prépare à franchir une frontière invisible. Une frontière qui va assurément marquer un tournant dans son aventure. « Le dépaysement, c’est précisément ce que l’on vient chercher. Reste à placer le curseur là où on en a vraiment envie. On gère chacun à notre niveau. On a tous des perceptions distinctes. Des bateaux et des histoires différentes aussi », a très justement rappelé Damien Seguin. Car il s’agit bien de cela : mesurer les risques que l’on est prêts à prendre ou non. C’est d’ailleurs la question que se posent d’ores et déjà un certain nombre de marins et en particulier les leaders. Aux abords des îles Marion et Prince Edward, ils sont confrontés à un dilemme. Ils doivent, en l’occurrence, décider de la manière la plus judicieuse de négocier une dépression qui déboule derrière eux. Le genre plutôt active, avec des biscotos qui feraient jalouser Popeye.
Une histoire de compromis
« Passer au milieu, ça ne donne pas très envie. Il reste deux options : passer au sud ou passer au nord. Dans le premier cas, c’est un peu risqué mais ça raccourcit la route. Dans le second, il faut être sûr de ne pas se retrouver bloqué dans la molle et donc de passer trois jours de plus que nécessaire dans l’Indien », a détaillé Sam Goodchild (VULNERABLE). Pour l’heure, ni lui ni ses adversaires semblent avoir tranché. La tâche est rendue d’autant plus difficile que les modèles météo s’opposent et qu’en prime, sur l’eau, de grosses zones de molle ont décidé de jouer au Chamboule-tout. « Ce matin, au lieu d’avancer à 20 nœuds vers l’Est, j’ai progressé à 5 nœuds vers le Sud. Tout dépendra donc des timings, en sachant que dans l’Indien, tout bouge très vite », a prévenu le navigateur Britannique dont la trajectoire dans les heures qui suivent, tout comme celles de ses concurrents directs, va donner de premières indications.