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La force mentale et la résilience : essentielles pour les skippers du Vendée Globe

Pour les skippers du Vendée Globe, la préparation mentale est aussi cruciale que l’entraînement physique ou la stratégie météo. Beaucoup font appel à un coach mental ou un psychologue sportif pour affronter les défis extrêmes de cette course mythique et développer la confiance et la résilience nécessaires pour évoluer dans un environnement particulièrement hostile.

INCONNU - 22 AVRIL 2023 : Tut Gut. Le skipper Oliver Heer (SUI) est photographié le 22 avril 2023 à Inconnu, France - Photo par Team Tut Gut.
22 AVRIL 2023 : Tut Gut. Le skipper Oliver Heer (SUI) est photographié le 22 avril 2023 - Photo par Team Tut Gut.
© Team Tut Gut.

Les émotions face aux défis du large 

Ken Way, psychologue du sport britannique, a travaillé avec Alex Thomson qu’il a aidé à monter deux fois sur le podium du Vendée Globe. Selon lui, les skippers sont confrontés à une gamme d’émotions rarement rencontrées dans d’autres sports : solitude, découragement, qui se mêlent à la fatigue. « Un athlète olympique ne traverse pas autant d’émotions sur une période aussi longue », explique-t-il. « Les skippers doivent non seulement faire preuve de résilience physique et de force mentale, mais aussi de résilience émotionnelle, une capacité essentielle pour avancer après un revers et transformer chaque défi en opportunité. » 

LORIENT, FRANCE - 17 AVRIL 2024 : Le skipper britannique Sam Davies sur l'Imoca Initiatives Coeur est porté à l'entraînement, le 17 avril 2024 au large de Lorient, France. (Photo par Jean-Louis Carli/ALeA)
LORIENT, FRANCE - 17 AVRIL 2024 : Le skipper britannique Sam Davies sur l'Imoca Initiatives Coeur est porté à l'entraînement, le 17 avril 2024 au large de Lorient, France. (Photo par Jean-Louis Carli/ALeA)
© Jean-Louis Carli / Alea

La prise de recul est un élément clé

Wolfgang Jenewein

Spécialiste en coaching mental

La concentration et de la gestion des émotions 

Sam Davies a elle aussi travaillé avec Ken Way pour l’aider à recentrer ses pensées sur la performance instantanée, en évitant la pression du classement final : « Ce qui est impressionnant avec Sam, c’est qu’elle a un niveau de résilience très élevé et qu’elle savoure vraiment les défis qui se présentent à elle, elle aime se mesurer aux meilleurs. Avec Sam nous nous sommes concentrés sur le fait d’oublier les résultats, précise Way. Pour les marins, l’idée est de mettre l’accent sur la performance à chaque instant.  »

Yoann Richomme, quant à lui, a collaboré avec Emilie Musnier-Thiénot pour perfectionner sa gestion du stress. Sa préparation mentale s’est construite au fil des ans, dès ses débuts dans la Classe Figaro, et il tire également un soutien précieux de ses proches. La période pré-départ représente un défi de taille pour les skippers. Yann Eliès, skipper remplaçant de Richomme et ancien concurrent du Vendée Globe, confie que cette phase est épuisante, rythmée par des obligations médiatiques et un stress constant. « Il est essentiel de gérer cette période afin de prendre le départ de la course le plus frais possible, physiquement et mentalement. » souligne-t-il. 

Oliver Heer, quant à lui, collabore avec le professeur Wolfgang Jenewein, spécialiste en coaching mental travaillant avec une skieuse de slalom de haut niveau, l'un des meilleurs coureurs de descente au monde, le célèbre surfeur allemand de grosses vagues Sebastian Steudtner et un entraîneur de football de haut niveau de la ligue espagnole. Il a aussi travaillé avec l’équipe suisse Alinghi sur la Coupe de l'America.   

Il applique les techniques développées pour ces différents athlètes, en les adaptant aux défis uniques des navigateurs au large en solitaire. Ensemble, ils travaillent sur des routines et une conscience de soi, permettant à Oliver de comprendre et gérer ses émotions : « être capable de se comprendre, d’analyser ses émotions, c'est ce que j'appelle "sortir de soi". La prise de recul est un élément clé : "je me sens déprimé, ahah, intéressant. Pourquoi ? Je me sens frustré, pourquoi ?" C'est important et peu de gens sont capables de ça. »  

Le skipper de Medallia, Pip Hare (GBR), prend la 9e place de la Vendée à la voile New York, aux Sables d'Olonne
© Olivier Blanchet / Alea

Rituels et ancrage émotionnel en mer 

Les skippers ne pouvant bénéficier d’une assistance psychologique extérieure pendant la course, Wolfgang Jenewein explique qu’il encourage Oliver Heer à se créer des rituels pour maintenir leur ancrage émotionnel. Ces routines incluent parfois des objets symboliques, comme un message ou une photo, qui les aident à rester connectés avec leurs proches et leur environnement familier. L’objectif est d’entrainer ses pensées vers des émotions positives en créant ces rituels.  

L’expérience personnelle de Pip Hare 

La Britannique Pip Hare a développé ses propres outils pour gérer les difficultés mentales. Sans le budget pour un coach spécialisé, elle a appris à gérer ses émotions seule. Elle utilise un "zoom arrière" mental pour observer son parcours, ce qui lui permet de réinitialiser ses pensées négatives. « J’ai navigué jusqu’ici seule et que j'ai traversé des périodes bien plus difficiles. »

La musique joue aussi un rôle essentiel pour Pip, qui l’utilise comme une technique de recentrage. Aussi, en cas de surcharge mentale, elle applique un "système de triage" en catégorisant les tâches, pour mieux hiérarchiser ses priorités. D’abord, la sécurité. Ensuite, la direction, puis la vitesse du bateau.

En somme, chaque skipper a ses propres méthodes et astuces mais une chose est certaine : le mental est désormais reconnu comme un facteur clé de succès dans un Vendée Globe, plus encore que dans toute autre compétition.   


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