Giancarlo Pedote : « Le Vendée Globe, c’est un restaurant où tu ne choisis pas ton menu ! »

Oui, j’en avais vraiment très envie ! En plus, il y a quatre ans j’avais mis moins de temps que ça, j’avais une projection un peu optimiste, donc là, après 85 jours, je commençais à trouver ça vraiment long… 

Je ne sais pas par quoi commencer ! Ça a été plus compliqué que le précédent, parce qu’avec la vitesse, le bateau prend plus cher. J’ai eu des soucis techniques, notamment mon safran qui ne tenait plus dans son logement. On a essayé plusieurs solutions, mais à chaque fois ça ressortait à un moment, toujours dans des conditions compliquées bien sûr… A chaque fois, tu te demandes si tu vas y arriver, tu sens vraiment que c’est chaud l’histoire. C’est ce qui m’a le plus pénalisé ! Toutes les fois où j’accélérais, où le bateau touchait 30 nœuds, bim, ça sautait. Et donc à un moment donné, je me suis dit ça ne sert à rien, si je m’énerve à la fin ça va être pire. Peut-être que je vais faire cinquante milles à fond les ballons, mais après tout va péter… Donc je vais rester ici, on va éviter le sketch. 

Oui, un peu. L’Indien et le Pacifique, on a eu vraiment une météo pas terrible, à naviguer tout le temps sur le dos des dépressions, donc avec une mer pas exceptionnelle… Et après la remontée de l’Atlantique, ça a été la catastrophe : soit beaucoup de vent, soit la pétole complète. Donc en fait les moments où tu as la mer calme, où ça accélère, ils ont été rares. Le Vendée Globe, c’est un restaurant où tu ne choisis pas ton menu ! Tu es servi avec les plats de la maison, et ça dépend de l’humeur de Neptune ! 

En fait, tu n'as pas de prise, il faut que tu l’acceptes, chaque personne a des problèmes… Au point Nemo aussi, j’ai eu un problème avec mon moteur, c’était normalement un truc simple à changer. J’ai travaillé 14 heures sans même manger un biscuit. Le moteur a fini par repartir, mais j’ai perdu beaucoup ! Je crois que c’est plus ça qui fait la valeur d’un marin qu’un numéro au final ! Les personnes qui sont arrivées devant son évidemment extraordinaires, mais derrière il y en a aussi qui sont tout aussi extraordinaires avec des bateaux moins performants, qui sont à fond et qui sont en train de passer d’une galère à l’autre. 

Oui, je suis très content de tous les chantiers que j’ai fait sur le bateau, c’était super enrichissant. Mais ce qui est dommage c’est que dès le début de course, au niveau des Canaries, j’ai été sorti du paquet avec Alan (Roura), on avait envie de pleurer tous les deux… Nous, on est restés coincés alors que tous les autres avançaient à fond. J’ai pas eu le temps de me confronter aux autres bateaux plus performants pour voir concrètement ce que ça donnait… 

La navigation dans les mers du Sud, tout simplement. Les lumières incroyables, les albatros qui volent derrière toi, tu respires l’air froid, cette humidité si particulière, toi tu es privilégié… Ca ne peut pas se décrire, ça ne peut que se vivre. C’est tellement fort, ça t’aligne toi avec les planètes, l’univers. C’est fugace, t’aurais envie de retenir, mais ça part rapidement… Mais c’est vraiment magique ! La raison d’y être, c’est que sur tes épaules tu as toute la solitude et les galères que t’as vécues, et ça te met dans une fréquence où tu es réceptif à tout ça, et sans ces galères, tu risquerais de passer à côté de ces émotions-là. 

Il faut du temps, je ne peux pas répondre comme ça ! Le Vendée Globe, il faut que ça retombe. Là, c’est juste un tourbillon d’émotions. Ce qui va en rester, je vais le comprendre à Noël, c’est une expérience tellement forte ! 

J’ai besoin de temps pour trouver une réponse à ça ! Je reviens de trois mois de mer, j’ai pas eu 5 minutes avec ma famille, ce serait un manque de respect de répondre aujourd’hui. Je suis un mari, un père de famille, mes décisions n’impliquent pas que moi, j’ai besoin de savoir comment ils l’ont vécu aussi, et pas dire « allez, je me casse à nouveau ». Donc à chaud, ce serait forcément une réponse inexacte.