Toutes les actualités

Morgan Lagravière : « Racheter Safran pour participer au Vendée Globe 2020 ! »

Personne n’a oublié son émotion au moment de quitter le ponton du Vendée Globe, ni son joli début de course dans la descente de l’Atlantique. Morgan Lagravière avait malheureusement été contraint à l’abandon peu avant le passage du cap de Bonne Espérance, alors qu’il occupait la 4e place. Un coup dur pour le jeune homme de 29 ans qui a par la suite appris la décision de Safran de se retirer du sponsoring nautique en juin 2017. Après avoir pris le temps de la réflexion, Morgan est aujourd’hui clair sur ses intentions : il veut monter un nouveau projet pour revenir en 2020, idéalement à bord du foiler avec lequel il a tenté pour la première fois la grande aventure du Vendée Globe. Il se confie sans tabous, sans rien cacher de ses joies et de ses peines…

Channel ambiance with Morgan Lagraviere (FRA), skipper Safran, start of the Vendee Globe, in Les Sables d'Olonne, France, on November 6th, 2016 - Photo Olivier Blanchet / DPPI / Vendee Globe

Ambiance chenal avec Morgan Lagraviere (FRA), skipper Safran, d

Morgan, comment as-tu digéré ton abandon dans le Vendée Globe, survenu le 24 novembre dernier après 18 jours de course ?
« Je l’ai surmonté en passant par différentes phases. Jusqu’à l’avarie, j’étais dans une phase porteuse, avec l’impression d’apprendre et de progresser jour après jour. Mine de rien, j’ai vécu un beau morceau de Vendée Globe avec des performances au rendez-vous. Malheureusement, tout s’est arrêté plus tôt que prévu sur un coup de malchance. On ne peut pas faire grand chose contre la casse d’un gouvernail suite à un impact.
S’est alors enclenchée une nouvelle phase, plus douloureuse. Il a fallu digérer cet abandon alors que j’étais bien dans le match. Cela n’a pas été facile de sortir la tête de l’eau. Mais aujourd’hui, j’ai pris le recul nécessaire. On apprend dans l’échec, la remise en question permet de progresser. Cette phase a été très constructive pour l’avenir.
Je capitalise sur le positif et notamment la dimension humaine exceptionnelle de ce projet avec Safran et Roland Jourdain et son équipe. Avec « Bilou », nous avons une volonté commune de pérenniser ce morceau d’histoire vécu ensemble. Nous avons en tête les prochaines courses en IMOCA et donc le Vendée Globe 2020… Il faut maintenant convaincre de nouveaux partenaires pour relancer un projet le plus tôt possible. Voilà l'état d'esprit actuel. »

Safran a en effet annoncé le retrait du sponsoring voile fin juin 2017... Cette nouvelle a-t-elle été une surprise pour toi ?
« Pas vraiment car contractuellement, on savait très bien que tout pouvait s’arrêter en juin 2017. C’était écrit noir sur blanc. Mais dans un partenariat, on a toujours envie de croire que l’avenir va être positif, que l’histoire va continuer. Je regardais plutôt le verre à moitié plein et je croyais en la pérennité du sponsoring voile chez Safran. J’ai donc pris un coup sur la tête quand la nouvelle est tombée. »

« Il y a la course que les skippers racontent, et il y a celle qu’ils vivent vraiment… »

Quel bilan tires-tu de tes années avec Safran ?
« J’ai acquis énormément d’expérience et de maturité, je me sens davantage armé pour les prochaines courses. Je n’ai que 29 ans, ce qui est très jeune dans le milieu de la course au large et de l’IMOCA. Nous avons pas mal galéré durant la période de mise au point du bateau qui a été émaillée de nombreux soucis techniques. Le contexte était particulier puisque nous avons construit le tout premier IMOCA doté de foils. Ce concept rajoutait de la puissance et engendrait de nouveaux efforts sur la structure… Lors de la Transat Jacques Vabre 2015, le bateau a subi d’importants soucis structurels. D’autres événements ont encore freiné notre progression et nos résultats sportifs. Nous avons installé la version 2 des foils très tardivement, quelques semaines seulement avant le départ du Vendée Globe. Mais le gain en performance a alors été significatif et nous avons enfin fait jeu égal avec les autres foilers. »

Malgré une préparation difficile, on t’a effectivement senti en phase avec ton IMOCA durant le Vendée Globe. Tu confirmes ?   
« Oui, au départ du Vendée Globe, je sentais que j’avais enfin un bateau abouti, en pleine possession de ses moyens : le bonheur absolu ! Au moment de l’abandon j’étais 4e, pas loin derrière Sébastien Josse et devant Paul Meilhat, Jérémie Beyou, Yann Eliès, Jean-Pierre Dick… C’était un scénario rêvé pour un petit bizuth comme moi. »

Au-delà de la compétition, as-tu trouvé dans le Vendée Globe une dimension aventure à la hauteur de tes espérances ?
« Carrément ! Grâce à cette course, j’ai découvert l’Aventure avec un grand « A ». Auparavant, j’avais vraiment la casquette de sportif et peu celle de marin au long cours. J’envisage désormais très différemment le Vendée Globe. Je garde de superbes souvenirs de ma première participation. Il y a aussi eu des moments plus difficiles. Quelques soucis techniques m’ont fait souffrir. Dans le Pot au noir, profitant des vents calmes, je suis notamment monté à quatre reprises dans le mât pour résoudre un problème de drisse de tête. C’était un peu traumatisant, mentalement et physiquement. Mais quelle expérience ! »

On le voit, tu es très transparent sur tes émotions, sur ta manière de vivre la course, sur la dimension extrême du Vendée Globe…
« Oui, j’ai peut-être même été trop transparent dans des interviews après la course… Cela m’a causé du tort auprès de certaines personnes. J’ai payé cette honnêteté et les critiques m’ont beaucoup déçu et touché. Ça ne m’a pas aidé à remonter la pente après l’abandon.
Depuis le début de ce projet avec Safran, je n’ai rien caché de ce que nous pouvons vivre sur ces bateaux. Nous souffrons tous dans le Vendée Globe, mais nous avons juste des manières différentes de parler (ou non) des difficultés. Il y a la course que les skippers racontent, et il y a celle qu’ils vivent vraiment… Un Vendée Globe, c’est aussi beaucoup de souffrance. Cette souffrance rend l’événement exceptionnel et impressionne le public. Elle permet aussi de profiter de moments de la course plus faciles, et même de profiter de la vie quand on pose pied à terre. »

« L’idéal pour 2020 : racheter Safran ! »

Tu as désormais pour ambition de lancer une campagne pour le Vendée Globe 2020 avec de nouveaux partenaires. L’idéal serait de racheter Safran ?
« Exactement. Le bateau est à vendre (à un prix de 3,1 millions d’euros, NDR). Quand on fait un état des lieux bateaux disponibles sur le marché, il y en a peu, et encore moins des performants. Safran est un bateau sur lequel je me sens bien et que je connais par cœur. Je sais quelles sont ses possibilités d'évolutions. J’ai de fortes affinités avec cet IMOCA. »

Ce bateau ne t’a pourtant pas épargné…
« C’est vrai. Mais on peut penser que les avaries subies par le passé ne se reproduiront plus. Quand tu en baves avec un bateau mais que tu surmontes les aléas, tu te renforces avec lui. Parfois, je lui en voulais, j’avais envie de couper les liens. Je lui disais : « on ne va jamais y arriver tous les deux ! » Mais nous avons persévéré car je savais que nous étions capables de faire des belles choses. Aujourd’hui le bateau est au point. »

© Olivier Blanchet / DPPIQuelles sont tes motivations pour repartir en 2020 ?
« Ce sont des projets épanouissants que j’ai envie de revivre. C’est magique. En s’engageant dans cette épreuve, on vit des moments exceptionnellement forts. Le Vendée Globe, ce n’est pas seulement deux mois et demi en mer. Ce sont aussi des années de préparation et une aventure que tu partages. Participer au Vendée Globe n’est pas une décision anodine car cela a pour conséquence plusieurs années de sacrifices. Après ma première participation, j’ai eu besoin de prendre du recul et de retrouver une vie normale pour savoir si j’avais vraiment envie d’y retourner. Et la réponse est oui ! »

Où en sont tes recherches de partenaires ?
« Avec Roland (Jourdain) et son équipe, nous avons activé de nombreuses pistes. La dynamique est bien lancée et nous prospectons de manière intensive. Les choses ont l’air de prendre une bonne tournure. Nous avons des compétences, une structure, un bateau, un skipper. Je suis confiant ! Nous espérons annoncer de bonnes nouvelles dans les semaines qui viennent. »

Propos recueilli par Olivier Bourbon / M&M


Partager cet article

Dernières actualités